Yuxuan Li, étudiante, apprendre l’électronique et inventer pour la santé mentale
Yuxuan Li est arrivée en France il y a trois ans. Originaire de Chine, elle étudie la psychologie à Université […]
02 01 2023
Yuxuan Li, étudiante, apprendre l’électronique et inventer pour la santé mentale

Yuxuan Li est arrivée en France il y a trois ans. Originaire de Chine, elle étudie la psychologie à Université Paris Cité. Comme elle ne peut pas rentrer dans son pays depuis le début de la pandémie de Covid-19, elle s’inscrit à la Summer School du Learning Planet Institute en 2022. Une belle manière d’occuper son été puisque Yuxuan se passionne pour des projets qu’elle met en place au MakerLab du Learning Planet Institute. Rencontre.

Yuxuan et son robot LUMIAGE ©Yuxuan Li

Yuxuan Li, étudiante, apprendre l'électronique et inventer pour la santé mentale
Yuxuan et son robot LUMIAGE ©Yuxuan Li

Yuxuan Li m’attend un après-midi pluvieux dans les locaux du MakerLab au Learning Planet Institute« Je suis souvent là », sourit-elle. Yuxuan est une étudiante chinoise de 22 ans. Arrivée en France en 2019, elle étudie la langue française puis la psychologie à Université Paris Cité« J’ai été attirée par la psychologie en regardant des films comme Inception par exemple. Je sais que les films peuvent être biaisés mais tout ce qui touche à l’inconscient ou au rêve me passionne. » Avant la pandémie de Covid-19, Yuxuan a eu la chance de rentrer voir famille et amis en Chine mais depuis trois ans, elle ne le peut pas. « C’est très difficile, je suis triste de ne pas pouvoir rentrer ». Sur le site internet d’Université Paris Cité, elle se met à chercher comment apprendre de nouvelles choses et ainsi égayer son été 2022. Elle tombe alors sur la Summer School du Learning Planet Institute, s’y inscrit et y est admise.

« Ça avait l’air très intéressant, c’est une Summer School qui dure un mois, et qui regroupe trois partenaires : l’Université de Genève, l’Université de Tsinghua et le Learning Planet Institute. » Après avoir appris le français en pleine immersion depuis 2019, Yuxuan pratique son anglais : « La Summer School était en anglais, je ne parlais pas très bien, j’ai dû progresser ».

La vingtaine d’étudiants du programme présente des parcours très différents. Certains ont fait des sciences, d’autres de l’ingénierie en Autriche, en Chine ou aux États-Unis.  Elle est la seule à venir d’un cursus de psychologie et se met à étudier l’électronique, le game design ou les imprimantes 3D avec ses camarades.

« C’est un environnement très riche et multiculturel », explique Yuxuan, que l’on sent émerveillée – et à l’époque, aussi un peu impressionnée.

©Quentin Chevrier
©Quentin Chevrier

« Les débuts de la Summer School, je m’en souviendrai toute ma vie », lance-t-elle. « J’étais assise au premier rang et Vladimir, un des fab managers du MakerLab, nous a parlé. C’était vraiment comme « Le Discours du roi» ». Quand je l’écoutais nous raconter avec humour que nous allions pouvoir développer nos projets et nos rêves, je me suis dit qu’il y avait vraiment la place pour déployer nos potentiels. » Yuxuan n’en dort pas de la nuit. C’est une révélation pour elle (un « aha moment » comme disent les anglophones). « Vladimir nous a appris comment monter des projets dont nous rêvions. Il nous montrait que l’on pouvait tout à fait construire de nouvelles choses, ou fabriquer des choses existantes à moindre coût. Il m’a beaucoup inspirée. »

Learning Planet Institute – SDG SummerSchool 2021 ©QuentinChevrier 

Certains jours, les étudiant·e·s de la Summer School se connectent avec les étudiant·e·s de l’Université de Genève, et apprennent dans des domaines aussi divers que la chimie, la biologie, l’ingénierie ou la santé. En parallèle, des groupes se forment pour travailler à un projet à finir avant la fin du mois. Yuxuan, en cohérence avec son parcours en psychologie, choisit de travailler dans le domaine de la santé mentale.

« J’étais intéressée par les troubles de l’émotion, et en particulier les TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Ce sont des troubles dont les patients ont conscience et dont ils peuvent se défaire, avec de l’aide. Les symptômes les plus communs, ce sont le lavage et la vérification. Certains patients peuvent passer plus de deux heures le matin à la salle de bains. Au bout du compte, leur peau peut être très abîmée, ils peuvent aussi arriver en retard etc. C’est handicapant au quotidien. »

Yuxuan décide donc de travailler sur les TOC. Soutenue par l’équipe de la Summer School qui lui donne de l’élan, elle n’avance pourtant pas assez vite à son goût. « Deux semaines avant la fin de la Summer School, je n’avais toujours rien. Je ne suis pas du tout scientifique, et je n’étais pas très douée à fabriquer les choses moi-même. ». Le stress monte, et Yuxuan apprend à coder quelques jours avant la fin du programme. À J-2, tous les autres groupes ont leur prototype. Yuxuan n’a toujours rien. « J’étais tellement stressée ! Et là j’ai rencontré Rajeev, qui m’a beaucoup aidée. »

Rajeev travaille au MakerLab du Learning Planet Institute sur des sujets proches de celui de Yuxuan. « Je l’ai rencontré à la fin de la Summer School mais il a été décisif. Ça a été mon soutien technique mais aussi psychologique » , sourit-elle.

En un jour (l’après-midi puis la nuit précédant la fin de la Summer School), Yuxuan construit un robot de toutes pièces, avec l’aide de Rajeev et d’un autre ami. « Le matin, je pleurais. » De joie. C’est la première fois que Yuxuan pleure en public et elle le raconte comme un rite initiatique, un passage « de jeune fille à jeune femme ».

Le robot de Yuxuan a été réalisé avec l’aide d’une imprimante laser. À l’intérieur, il y a une carte Arduino (carte en open source, avec un programme qui facilite l’apprentissage de l’électronique) et des capteurs à distance. Posé dans une salle de bains, le robot de Yuxuan, qui a la forme d’un chat, enclenche un chronomètre quand la personne se lave les mains, puis émet un signal après 25 secondes.

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Le projet de robot lors de la Summer School ©Yuxuan Li

À la fin de la Summer School en juillet, l’étudiante en psychologie est bien déterminée à développer son projet, à l’améliorer. Elle a beaucoup aimé le MakerLab, où elle se sent bien et s’est fait des ami·e·s : « L’environnement est très agréable ici, les gens sont gentils, encourageants et curieux. »

Suite à quelques jours de vacances, Yuxuan décide d’aller montrer son prototype à un psychologue qui lui donne des conseils pour changer le son de son robot. « J’ai lu beaucoup d’articles de recherche et j’en ai trouvé un sur la séquence en U. Au départ, la musique est forte puis elle diminue au milieu au moment le plus relaxant, et enfin elle remonte. Je me suis dit que j’allais utiliser ce principe pour améliorer mon robot.». Yuxuan découvre que cette séquence est déjà appliquée dans plus de 500 hôpitaux en France.

« Je l’ai appliqué à mon robot : j’ai mis une musique stimulante aux extrémités du U, qui fait penser à la sensation de propre, et une musique plus relaxante du bruit du feu au milieu, pour faire penser à la sensation de chaleur. »

Le robot s’améliore au fil des mois et Yuxuan décide alors de créer un nouveau robot sous forme de nuage, LUMIAGE. Il a un capteur de lumière quand l’utilisateur entre dans la pièce, un écran, une fonction d’autoprogrammation.

Yuxuan parle de ses robots comme si elle avait fait de longues études d’ingénieure. Elle s’est passionnée pour la technologie Arduino pendant la Summer School, et l’enseigne d’ailleurs dans une ludothèque. « Je suis médiatrice ludothécaire numérique », explique-t-elle. Dans le 17ème arrondissement de Paris, elle donne chaque semaine des cours pour enseigner les bases d’Arduino aux enfants de 6 ans et aux adultes. « Je travaille aussi dans l’association comme ludothécaire. »

Robot Arduino

Et comme Yuxuan ne compte pas s’arrêter là, elle continue ses études de psychologie, mais crée des ponts entre ce qu’elle fait au MakerLab et son parcours.
« Je suis allée montrer mon robot à la directrice du Master Psychologie Clinique et Psychopathologie de mon université. Elle a beaucoup beaucoup aimé ». Comme l’explique Yuxuan, son robot peut être une alternative ou un bon complément à des traitements médicamenteux ou des séances chez le psychologue. « La directrice était agréablement surprise et elle en a même parlé à la directrice de La licence. », raconte Yuxuan, très enjouée. Une belle manière de montrer que son projet provoque de l’intérêt. Depuis, la directrice du Master aide l’étudiante à trouver deux psychologues spécialistes des TOC à Paris. « Ce qui est intéressant, c’est que les psychologues ne sont pas forcément très forts en informatique, donc ça peut les aider. »

Yuxuan a beaucoup de projets de développement en tête mais reste très modeste. « C’est encore un prototype, le robot est trop gros, je peux l’améliorer ». Elle travaille donc à améliorer LUMIAGE et cherche à envoyer un dossier pour un appel à projets. Et elle a déjà une troisième idée de chat-robot pour faire de la thérapie par les animaux au service des troubles émotionnels !

« Pour moi, la Summer School est le début du rêve, et je tiens à remercier tout le monde : Merci Kevin, Alexandre, Vladimir, Rajeev. »


Un portrait de Marie OLLIVIER


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